"Cher Professeur,
Une carte dans un cabinet médical, une rencontre aménagée par une amie parce que c'était alors tellement difficile de vous approcher et que je ne sais pas faire...
Vous me donnez un rendez-vous qui m'intimide, vous me tutoierez, vous ne me reconnaîtrez peut-être pas dans la rue me dites vous...
Vous habitez près de chez moi ; c'est parti comme ça.
Rendez-vous pris sans y croire.
Du premier rendez-vous je suis sortie les pieds sur un nuage ; vous m'aviez gentiment remis la tête en place ; c'était sérieux, sans détour ; je pris conscience que quelque chose se jouait, que j'avais là l'occasion de me soigner, de me « guérir » de mon épaule qu'il fallait opérer, du genou auquel il fallait que je fasse attention et d'autres choses moins visibles mais que je ne faisais que ressentir, comme le frémissement d'un changement
Je pensai d'abord que vous alliez en rester là avec moi, mais vous me donniez un autre rendez-vous ; entre temps j'avais à pratiquer ce que je ne savais pas encore faire, parce que des décennies de gymnastiques de toutes sortes, de mauvaises habitudes, de non conscience surtout de mon corps qui devait seulement m'obéir et se soumettre à mes injonctions pesaient lourd dans la balance ; je m'y suis mise, disciplinée, volontaire et ressentant cependant que seule, ça ne me faisait pas exactement le même effet qu'avec vous; je revins pour un deuxième cours, puis un troisième
Je pris rendez-vous pour un bilan postural Yoga que Catherine Bellières me délivra ensuite ; je le relis encore me demandant comment tous les deux vous arriviez à me voir, moi qui ne me voyais pas, avec précision en me conseillant de me concentrer sur telle ou telle partie de mon corps en faiblesse
Après quelques mois je demandais si je pouvais en plus des cours particuliers, me joindre à un groupe ; une fois par semaine, histoire de me joindre à d'autres qui vivaient aussi cet engagement ; c'était bien ; il y avait des jours avec et des jours sans où je sortais parfois fatiguée, anormalement... je me demandais : « ne me corrigeait-on pas suffisamment ? ou bien reprenais-je mes défauts d'autres cours ? d'entraînement, ou de mise en scène des postures, ou bien le groupe me remettait-il dans le rôle de l'élève sous l’œil du professeur ? Pourtant le pli de la pratique était pris et la conscience que l'habitude régulière, plus fréquente était importante, définitivement.
Et le confinement arriva... les cours cessèrent ; mais avec Catherine vous avez eu la lumineuse idée de faire des cours en live, des cours quotidiens qui structuraient mes matinées, me rendaient autonome à faire et refaire, à trouver comment faire, à expérimenter des mouvements ; c'était original, chaleureux, généreux... à côté je lisais puisque les librairies, déclarées magasins essentiels, me permettaient d'aller récupérer des livres achetés en ligne... bref ce fut un confinement yogi. Avec une pratique quotidienne, avec un enseignement quotidien, avec des lectures quotidiennes ; et j'en voulais encore plus.
Quand le confinement s'assouplit, les cours en live se poursuivirent, de manière hebdomadaire, de manière plus formatrice, encore plus pédagogique, une mine de matière ; et je pus revenir vers vous pour des séances personnalisées ; j'avais progressé, je me sentais mieux, je pouvais encore avancer en vous questionnant et en vous écoutant. L'écoute de votre enseignement, écoute particulière, m'a confirmée dans le chemin que je faisais et dans la confiance que j'avais en vous.
Je vous parlais de ça et vous compreniez ce que je vous exprimais, vous nommant « guru », mot que je définis comme celui en qui j'ai entière confiance, qui m'accompagne là où j'en suis, qui rectifie ou propose, et qui me montre; tout ça avec aplomb, lenteur, approfondissement, et patience. Avec une parole que j'aurais bien saisie, transcrite mais que finalement il est bon d'entendre toujours; une transmission orale que je me répète quotidiennement.
Alors bien sûr ça m'a changée tout ça, la pratique bien sûr, l'expérience de cette pratique et l'approche maintenant plus théorique de textes ou d'enseignement sur les textes ; ça me parle ; dans la situation personnelle très difficile où je suis, ça me sauve : quand je pratique ou que je suis dans l'assise de la méditation, je suis là, seulement là ; je respire ; et je ressens comme un flux qui me traverse le corps et me met en joie
Y-a-t-il pour autant un acquis ? Peut-être ; il y a surtout les pratiques, les expériences et surtout un désir de connaître encore ; parce que, au quotidien, ça ne veut pas dire que ce que j'ai compris soit intégré véritablement ; et c'est compliqué de voir vraiment, de toucher ce que je ne vois pas ; votre voix guide précisément et si je vous écoute je peux suivre
Je continue désormais sur ce chemin, intéressée de connaître encore plus et de rencontrer d'autres élèves engagés ainsi ; il n'est pas facile de parler de ce que l'on vit ainsi dans le yoga ; il y a tant de préjugés et ce n'est pas si grave. Je ne me sens pas obligée d'en parler ; ça prend du temps d'entrer en relation
Merci donc cher professeur-guru pour votre enseignement, merci de m'apprendre à apprendre. L'aventure est belle."
Lettre d'Isabelle Poupard à Serge Gastineau
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